Le Rwanda a besoin d’une alternance politique dans la paix- Interview avec Jambo News | Rwanda
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Le Rwanda a besoin d’une alternance politique dans la paix- Interview avec Jambo News

Le drapeau du Parti DGPR
Le drapeau du Parti DGPR

Jambo News basé en Belgique, a eu l'occasion d'interviewer le président du Parti démocratique vert du Rwanda sur de nombreuses questions concernant le parti et le pays. Ces questions concernent le changement de la constitution, Victoire Ingabire, Gen.Karenzi Karake, l'exil en Suède, etc.

Frank Habineza est le président du seul parti politique reconnu au Rwanda qui milite contre une révision constitutionnelle qui permettrait à Paul Kagame de se représenter à des élections présidentielles. Cofondateur du  Parti vert démocratique du Rwanda (en Anglais Democratic Green Party of Rwanda) en août 2009 pour, dit-il : « constituer une opposition démocratique et écologiste au Front patriotique rwandais ». La plupart des membres fondateurs du Parti vert étaient des dissidents qui avaient quitté le FPR. N’ayant pas reçu l’autorisation d’enregistrer son parti, il ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle de 2010. En juillet 2010, le vice-président du Parti vert, André Kagwa Rwisereka, est retrouvé mort et décapité. Frank Habineza décide alors de quitter le Rwanda pour s’exiler en de Suède. Il reviendra en 2012 au Rwanda pour refaire de la politique et réussira à enregistrer son parti en 2013. À 2 ans des élections présidentielles, il porte un message à contre-courant de toute la classe politique rwandaise reconnue par le gouvernement. Jambonews a eu l’occasion de s’entretenir avec lui.

Changement de la constitution

P1000446Jambonews : Votre formation politique s’est prononcée contre le changement de la constitution, notamment de l’article 101 de la constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Comment expliquez-vous que toutes les autres formations politiques du pays se soient prononcées en faveur d’un maintien au pouvoir de Paul Kagame après 2017 ? 

Frank Habineza : Chaque parti existe pour ses propres objectifs, et parmi les partis qui ont approuvé le changement de la constitution, 7 sont dans ce qu’on peut appeler une coalition avec le FPR. Si on revient aux élections de 2013, on constate que 7 partis coalisaient avec le FPR, et même le PS et le PL qui ne faisaient pas partie de cette coalition sont entrés au gouvernement peu après les élections des députés. Si tous ces partis ont appuyé la proposition de changement de la constitution, c’est pour leurs propres intérêts, ils veulent rester au gouvernement. Moi personnellement je dirais qu’ils ne regardent que leurs propres intérêts et non les intérêts de la population en général.

JN : Qu’est-ce que vous reprochez à Paul Kagame, dont nombreux relatent les mérites, notamment les succès économiques, et se basent sur ça pour défendre sa reconduction ?

FH : Ce que notre formation cherche c’est la « sustainability » ou bien la durabilité. La situation telle qu’elle est maintenant ne peut pas persister dans le temps, parce que pour que ça dure il faut une alternance du pouvoir dans la paix. On dit que le pays a réalisé des progrès au niveau économique, cela est beaucoup plus vrai à la capitale, néanmoins quand on arrive à la campagne on constate qu’il reste beaucoup à faire. Visuellement il y a des progrès, mais ces progrès ne sont pas enregistrés partout, les problèmes liés à la pauvreté sont nombreux dans les zones rurales, beaucoup de rapports venant de tous bords confirment ce constat. Le nombre de Rwandais vivants dans l’extrême pauvreté, c’est-à-dire avec moins d’un dollar par jour, reste très élevé. Les progrès tels qu’on les expose sont très éloignés de la réalité, surtout dans les campagnes. Il y a certes des progrès, cependant le plus important pour le moment est qu’il y ait une alternance pacifique pour que celui qui vient puisse prendre la main dans la paix et accomplir même ce que son prédécesseur n’a pas su réaliser.

Le Rwanda depuis son existence il y a de cela 100 ans, n’a pas connu une alternance pacifique. Sous la royauté en 1880 il y a eu la guerre de Rucuncu au cours de laquelle le roi a été assassiné brulé vif dans sa maison, depuis lors l’alternance à la tête du Rwanda s’est constamment déroulée dans la violence. Le roi Rudahigwa a été assassiné au Burundi, peu avant c’est le roi Musinga qui fut assassiné au Congo à Mumba je pense, le roi Kigeli vit aujourd’hui à l’étranger, le président Kayibanda qui lui a succédé est mort en prison suite à son renversement par un coup d’Etat, et Habyarimana qui a pris sa place suite à ce coup d’Etat est mort dans un attentat d’avion. En bref, le Rwanda n’a jamais connu une alternance paisible. C’est pourquoi on se dit que c’est cette malédiction ; ce passé troublant (amateka mabi) qui a marqué notre pays qu’il faut changer, on s’attendait à ce que le président actuel fasse cela.

JN : Vous avez intenté une action en justice pour tenter d’empêcher une réforme de la Constitution pouvant permettre à Paul Kagame de briguer un troisième mandat en 2017, alors que le texte fondamental actuel le lui interdit. Sur quoi vous êtes-vous basés pour mener cette requête ?

Procès à la Cour Suprème concernant la plainte contre une révision de la constitution

Procès à la Cour Suprème concernant la plainte contre une révision de la constitution

FH : On a tenté une action en justice auprès de la Cour suprême. Mais peu avant cette démarche, on avait adressé un courrier au parlement, le 13 mai 2015, où l’on demandait à ce que la constitution actuelle ne soit pas touchée. D’autre part, on réclamait à ce que le mandat présidentiel soit réduit de 7 ans à 5 ans, et d’ailleurs on se réjouit que cela ait été fait. On réclamait également que le nombre des mandats présidentiels qui est limité à deux ne soit pas réformé, cela a également été fait, néanmoins ce qui nous a surpris est qu’ils ont inséré un autre article 172 qui dit autre chose.

Toutefois, ce qui nous a incité à écrire à la Cour suprême c’est qu’on a besoin qu’il y ait transfert du pouvoir, parce que cela garantit une paix et une sécurité durables. Un autre point concerne ce qu’on appelle la culture de l’État de droit, c’est-à-dire un pouvoir qui respecte la loi, parce que quand la loi est modifiée en permanence, cela mène à l’incertitude permanente car on ne sait pas de quoi le lendemain sera fait , que ce soit pour les businessmen et les autres, on ne sait pas se positionner à cause de ces permutations permanentes.

Un autre point concerne l’ancrage de la culture démocratique. Cet ancrage n’est pas possible dans la mesure où un seul dirigeant envisage de passer 30 ans au pouvoir. Cela veut dire que les autres sont en quelques sortes exclus, et voient l’usage de la force comme seul moyen alternatif d’arriver au pouvoir, en passant par la guerre avec son lot de victimes parmi les civils innocents. Nous disons que ce changement de la constitution brise l’espoir d’une paix et d’une sécurité durables, et menace même les progrès accomplis après le génocide.

JN : Il y a eu 3,7 millions de Rwandais qui, par voie de pétitions, auraient réclamé le maintien au pouvoir de Paul Kagame. Vous qui êtes au Rwanda, dans quelles conditions ces pétitions ont-elles été récoltées ? De façon spontanée et transparente, ou tout au contraire, par une machination bien orchestrée ?

FH : Nous avons appris également ces pétitions, mais il nous est impossible de confirmer leur nombre, si c’est 3 millions ou pas, car on n’a pas mené des vérifications.

JN : Et la façon dont ces pétitions ont été récoltées est-elle spontanée, transparente, ou est-ce une machination bien orchestrée ?

Tout ce que nous savons et avons même répété devant la Cour suprême est que ce n’est pas la population à sa propre initiative qui a décidé de récolter de ces pétitions. Ce sont des responsables politiques, y compris des ministres, qui ont enclenché ce processus. Cela a commencé même en 2010 avant la prestation de serment du président pour son second mandat. Devant la Cour suprême, nous avons pu démontrer que la population ne s’est pas déplacée de sa propre initiative, c’est sur les injonctions de leurs dirigeants que la population s’est mobilisée. Vous avez vu comment les porteurs des pétitions ont été accueillis avec honneur au parlement, un sigle du drapeau rwandais était imposé sur chaque carton, cela donnait visiblement l’image d’une cérémonie officielle. Cependant, nous quand nous nous y sommes rendus, personne n’est venu à notre accueil alors que nous sommes aussi des citoyens comme eux. Ceux qui venaient de Nkombo (île située au Sud-Ouest NDRL) étaient accueillis par le président du parlement, néanmoins quand nous sommes arrivés, nous n’avons pas été accueillis parce que notre message ne concordait pas avec ce qu’ils voulaient entendre.

JN : sur le comment ces pétitions , ont-elles été obtenues sur base volontaire ?

FH : Comme je le disais, les institutions locales ont joué un rôle central dans l’obtention de ces pétitions. D’abord les institutions au niveau local, tous les échelons confondus, puis les personnalités importantes comme les ministres. La population n’avait pas d’autre choix. Aucun paysan n’a fait le déplacement de ses propres moyens de Nkombo jusqu’à Kigali, cela n’est pas envisageable, ce qui illustre clairement qu’il y avait des gens derrière pour financer et planifier ces déplacements.

JN : Selon les informations qui ont circulé, certaines personnes ont eu des problèmes parce qu’elles n’ont pas voulu signer ces pétitions. Pourriez-vous nous éclairer sur cela ?

FH : Je n’ai pas plus de détails sur cela, mais ce que j’ai comme information à ce propos concerne un de nos sympathisants, qui travaillait dans une agence. Ce dernier a été menacé de licenciement s’il ne signait pas ces pétitions, il a fini par céder et signer. C’est la seule information qui nous est parvenue.

JN : Vous n’avez pas songé à réaliser des pétitions pour les gens qui sont contre la modification de l’article de constitution en question ?

FH : Ce qui est clair c’est qu’on est venu avec des idées qu’ils ne souhaitent pas entendre. Ceux qui ont apporté ce qui est en accord avec les consignes officielles ont été accueillis.

JN : Qu’est-ce que vous avez apporté ? Des rapports ? Des pétitions ?

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Remise d’une pétition contre la révision de la constitution au Parlement Rwandais

FH : Nous avons apporté la pétition qui s’opposait au changement de la constitution, c’est pour cela qu’on n’a pas été accueilli comme les autres.

JN : Combien de personnes avaient signé ces pétitions ?

FH : Nous avons apporté au parlement la pétition du parti, et celles des autres personnes qui ne voulaient pas le changement de la constitution, mais on n’a pas été accueilli. On a tout laissé à la réception.

JN : Vous ont-ils donné des explications ?

FH : Tout ce qu’on a eu comme explication est qu’on n’a pas été accueilli parce qu’ils avaient beaucoup de travail.

 Plainte contre le gouvernement pour marginalisation du Français au profit de l’Anglais 

JN : En décembre 2014, votre parti a intenté une autre action contre l’Etat auprès de la Cour suprême pour non-respect de la Constitution, et notamment de l’article 5 concernant les langues officielles du pays, mentionnant une mise de côté du Français au profit de l’Anglais qui pénaliserait une partie de la population. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails ?

FH : Nous avons intenté une action auprès de la Cour suprême l’année dernière concernant le respect de l’usage des langues officielles du pays, notamment le Français qui est mis de côté, mais la Cour suprême n’a pas voulu mettre notre requête sur l’agenda des affaires à traiter parce que selon la cour, l’Etat n’a pas violé la loi, aucune loi contredisant les précédentes n’a été publiée. Pourtant nous avions apporté des preuves Frank-Habinezairréfutables démontrant que l’Etat a violé la loi en ce qui concerne l’usage des langues officielles. Nous avons notamment montré les nouveaux billets dont les indications sont uniquement en Anglais et en Kinyarwanda, de même que sur la carte d’identité nationale et le permis de conduire. Nous avons également démontré qu’en ce qui concerne la nouvelle politique en matière de l’éducation tout se fait en Anglais, pourtant la Cour suprême a refusé d’examiner notre requête. Cependant ils nous ont souligné que notre requête peut être amenée devant tribunaux administratifs qui sont les plus compétents à traiter ce genre de cas. Nous étudions la question pour voir les possibilités de saisir la haute cours de Justice.

JN : Pensez-vous que cette marginalisation du français au profit de l’anglais a quelque chose à voir avec les tensions entre le Rwanda et la France de ces dernières années ?

FH : Nous ne savons rien de cela, tout ce qui nous importe est de parler au nom des Rwandais. Beaucoup de Rwandais ont étudié dans la langue française, néanmoins on constate que tous ceux-là se voient privés de leur chance. Par exemple la plupart des enseignants ont suivi leur cursus en français, mais aujourd’hui ils se voient obligés d’enseigner en anglais, langue qu’ils ne maitrisent pas. Ils suivent des formations d’un mois ou six semaines avant d’aller enseigner sur le terrain, et on trouve des enseignants qui parlent un mauvais anglais, dont le niveau est même inférieur à celui de ses élèves. Dans ces conditions l’éducateur se trouve dans l’impossibilité de transmettre ses connaissances, au point de passer même pour un incompétent. Sur le marché du travail c’est la même chose, la plupart des entretiens d’embauche s’effectuent en anglais, et cela pénalise ceux qui ont suivi leur cursus en arançais,. Cet état de fait est un handicap pour nombreux Rwandais ayant fait des études, et cela sape l’unité et la réconciliation de la population rwandaise.

Exil en Suède en 2010 et le retour au Rwanda en 2012

JN : En septembre 2012 vous êtes rentrés au Rwanda après deux années passées en Suède. Etiez-vous en exil notamment pour des raisons politiques, ou votre séjour à l’étranger était-il motivé par des raisons personnelles ?

FH : J’étais bien en exil, à cause des nombreux problèmes que j’ai rencontrés, surtout des problèmes politiques. À ce moment on avait lancé le parti, et les problèmes se sont accumulés : nous avons été battus, nos membres emprisonnés, d’autres assassinés, notamment notre vice-président. En même temps on n’arrivait pas à nous faire enregistrer et finalement notre parti n’a pas pu participer aux échéances électorales. Les choses allaient très mal, nous avions énormément de stress car nous recevions des menaces de mort fréquemment, certains nous ont même signifié ces menaces face à face, d’autres ont fait passer leurs menaces dans les journaux, le journal Umuseso a écrit à ce sujet. En fin de compte, compte tenu de la situation, une décision de partir [ hors du Rwanda ] a été prise pour observer tout cela de loin.

JN : les organisations de défense des droits de l’homme continuent de dénoncer une situation dramatique au Rwanda. Dans quelles conditions êtes-vous revenu au Rwanda ? Avez-vous reçu des garanties ?

Meeting du Democratic Green Party

Meeting du Democratic Green Party à Kigali

Malgré notre départ du pays, le parti a continué d’y exister, les militants sont restés dans le pays et ont poursuivi le travail. D’ailleurs ils n’ont pas cessé de nous demander si on allait revenir au pays, si le parti allait continuer d’exister. Peu à peu, nous avons essayé de travailler avec des organisations internationales comme le Commonwealth et d’autres pour faire comprendre nos problèmes. Finalement nous n’avons eu d’autre choix que de prendre le risque de rentrer au pays, mais sans garantie que rien ne pouvait nous arriver. À notre arrivée ça n’a pas été facile, mais on a réussi à faire enregistrer le parti .

JN : Il y a des gens qui vous accusent de jouer le jeu du gouvernement qui veut se faire passer pour démocratique, d’autres vous qualifient de « pantin » du régime qui cherche à légitimer leur pouvoir. Que répondez-vous à cela ?

FH : Ceux-là disent ce qu’ils veulent, dites-leur aussi de venir jouer à ce jeu s’ils le peuvent. Ceux qui disent cela ne connaissent pas notre parcours, ce que nous avons vécu et où nous sommes arrivés, ils ne peuvent pas le comprendre. Le chemin vers la démocratie est un parcours laborieux qui exige une certaine précaution.

Victoire Ingabire et les autres opposants politiques

JN : Cela fait 5 ans que l’opposante Victoire Ingabire Umuhoza, présidente des Forces démocratiques unifiées a été arrêtée au Rwanda. Elle a été condamnée en décembre 2013 à quinze ans de prison ferme, accusée entre autres de « conspiration contre les autorités», « minimisation du génocide » et «incitation à la violence ». D’après vous ces accusations sont-elles fondées ou est-ce une façon de l’écarter de ses ambitions politiques ?

ibenderagreepFH : Nous avons collaboré avec Victoire Ingabire, c’est même moi qui l’ai accueillie à son arrivée au Rwanda, et c’est d’ailleurs moi qui me suis occupé de lui trouver son premier logement. J’en sais assez sur Ingabire, il y en a qui en disent beaucoup sur elle mais sans vraiment connaitre la vérité. Cependant à propos de son emprisonnement, nous trouvons que ça aurait été mieux que le gouvernement accepte de dialoguer avec ses opposants au lieu de les emprisonner.

JN : Reconnaissez-vous que son emprisonnement relève purement de motifs politiques et non judiciaires comme le gouvernement le dit ?

FH : Elle est emprisonnée pour certains motifs politiques que tout le monde peut comprendre, même s’il y a d’autres dossiers qui ne sont pas clairs pour nous, notamment les fouilles à son domicile en Hollande, et ce que la justice de ce pays dit y avoir trouvé.

JN : FDU-Inkingi et deux autres partis politiques d’opposition rwandais PDP-Imanzi et PS Imberakuri ont mis en place en juillet 2015 une plate-forme, votre formation politique a-t-elle été approchée pour en faire partie ?

FH : Il y a des rumeurs et de fausses informations qui circulent et auxquelles il ne faut pas se fier, le PDP Imanzi n’est pas au Rwanda, celui qui a lancé ce parti est Mushayidi est en prison. Karangwa Gérard a tenté de le relancer peu après mais ça n’a pas marché non plus, il est en Europe aujourd’hui si je ne me trompe pas. Il a également voulu lancer un autre parti mais ça n’a pas non plus été possible. Cette plate-forme n’existe pas, fonder une plate-forme pour mener ses activités où ? La seule plate-forme viable et que nous avons intégrée est celle que nous avons co-fondée avec le PS Imberakuri, les FDU le reste c’est du vent ça n’a aucun sens.

JN : cette plate-forme avec ces partis , travaillez-vous vraiment ensemble ?

FH : Non, cette plate-forme que nous avons mise en place n’est pas allée loin à cause des obstacles que nous avons rencontrés. Les gens sont morts, emprisonnés et d’autres ont fui le pays. Cette plate-forme avait été créée en 2010, et c’est la seule dont je peux attester l’existence.

Affaire Karenzi Karake

JN : Le chef des services secrets rwandais Emmanuel Karenzi Karake avait été arrêté en juin à Londres sur la base d’un mandat d’arrêt espagnol, et d’ailleurs 40 hauts officiers du FPR sont également recherchés. Quelle est la position de votre parti concernant ces mandants d’arrêts contre les hauts responsables du pays ?

FH : Notre parti ne cherche pas à s’immiscer dans les dossiers judiciaires, surtout ceux qui sont toujours en cours. Ces affaires sont toujours dans les mains des juridictions espagnoles, peut-être même du Rwanda. Ce sont des affaires dans lesquelles nous évitons de nous immiscer tant qu’elles ne sont pas clôturées. D’ailleurs le Rwanda a déclaré dernièrement que ces dossiers étaient clôturés, ce qui a été démenti par l’Espagne. On ne sait pas qui dit la vérité. L’Espagne et le Rwanda devraient s’asseoir à la même table et dialoguer pour éviter que la population ne soit victime de ces querelles.

JN : Vous êtes-vous prononcé sur les appels à la population pour rassembler l’argent qui devait servir à payer la caution pour libérer Karake?

FH : Notre parti n’a pas demandé à la population de cotiser, c’est ceux qui ont lancé des appels dans ce sens, et qui ont reçu cet argent, qu’il faut interpeler. Dire à la population que donner cet argent n’est pas légal ? Figurez-vous que population est fréquemment sollicitée pour cotiser en faveur de telle cause ou telle autre, elle a été invitée pour cotiser dans Agaciro et d’autres causes. A chaque fois que la population accepte de se soumettre aux injonctions, qu’elles soient légales ou pas, c’est son problème, on n’arrache pas cet argent de force dans leurs poches.

JN : Vous n’avez pas donné de consignes à vos sympathisants sur ce sujet ?

FH : Notre parti ne veut pas s’immiscer dans les questions relatives à la sécurité, il y a des sujets que notre formation politique a toujours évité d’aborder pour pouvoir exister : tout ce qui est en rapport avec la sécurité, l’armée et la guerre. C’est-à-dire que notre parti ne trouve aucun intérêt à aborder ces sujets sensibles, ce n’est pas de notre champ d’actions.

JN : Le gouvernement dit que le pays a abouti à une véritable réconciliation après les évènements de 1994, néanmoins certains partis de l’opposition et organisations non gouvernementales disent que non. Qu’en dites-vous ?

FH : Nous remarquons dans notre formation politique que le chemin reste long, il y a bien sûr certains avancées. Par exemple les rescapés et leurs bourreaux se croisent et ils arrivent à revivre ensemble l’un à côté de l’autre, cela constitue une avancée non négligeable. Néanmoins pour que la réconciliation soit complète, nous insistons sur le fait que l’espace politique doit être ouvert aux partis d’opposition pour permettre à chacun de contribuer à la prise de décision, et permettre également à la population d’élire librement ses dirigeants. Sans cela, la réconciliation restera inachevée. Nous constatons qu’un pas considérable a été franchi mais il y a du chemin à faire au niveau de l’espace politique qui reste fermé. Cet espace doit être libéré pour permettre à tout le monde de contribuer aux affaires.

Echéances électorales de 2017

JN : Votre parti présentera-il un candidat en 2017 ?

logo_smallFH : Nous ne le savons pas encore, on s’était prononcé pour la participation à ce scrutin, mais vu les changements brusques des lois qui sont en train de s’opérer, on ne peut pas se prononcer.

JN : Comment se fait-il que jusqu’à présent vous n’avez pas encore pris votre décision ?

FH : Nous avions annoncé précédemment que le parti participera à toutes les échéances électorales à venir, les présidentielles, les parlementaires, mais les changements soudains des lois de ces derniers temps nous ont plongés dans la confusion, ce qui nous pousse à revenir sur nos décisions.

JN : Quelles sont vos revendications pour le moment ? À l’exception peut-être de votre action en justice pour vous opposer à la modification de la constitution et votre plainte contre la mise de côté du Français en faveur de l’Anglais, on vous entend très peu.

FH : Nous travaillons selon notre agenda et non selon les souhaits du public. Chaque parti a ses objectifs qu’il doit viser, jamais nous ne travaillons sur la pression ou les recommandations extérieures, notre parti suit sa ligne directrice. Concernant les échéances électorales, la position du parti est de présenter des candidats à toutes les consultations à venir. Néanmoins, même si la décision a été prise, cela ne garantit pas que nous ne revenions sur notre engagement, surtout si les lois restent insidieuses.

JN : Pour le moment vous travaillez en toute liberté ? Vos membres ne sont pas arrêtés ou harcelés ?

FH : Actuellement un de nos conseillers chargé de la coordination des activités du parti qui s’appelle Jean Damascène Munyeshyaka a disparu sans laisser de trace depuis l’année dernière. D’ailleurs, la semaine écoulée nous avons adressé un courrier au procureur de la république pour nous aider à mener une enquête plausible, puisque les recherches menées par la police jusqu’à présent nous paraissent infructueuses. Nous avons rencontré également beaucoup des difficultés ces derniers temps, certains de nos sympathisants ont été emprisonnés à cause de leur opposition au changement de la constitution en cours mais ils ont été relâchés. Nous avons d’autres qui ont fui le pays pour se réfugier à l’étranger. Il y en aussi qui ont été brutalisés de différentes façons, notamment dans les régions de Musanze ; Burera, Rusizi ; Rucuro et Karenge, et nous avons informé les autorités de tous ces tracasseries. Nous sommes reconnus par la loi, il n y a aucune raison qui les pousse à continuer de nous assaillir.

JN : Avez-vous quelque chose à ajouter ?

arton4709Tout ce que je peux ajouter c’est que les Rwandais de l’extérieur amalgament les choses. Faire de la politique à l’intérieur du pays, ça n’a rien de pareil que de faire de la politique à l’extérieur. Quand on fait de la politique de l’extérieur du pays, moi-même j’ai vécu à l’étranger en Suède, on doit prendre en compte que leurs lois ne sont pas les mêmes que celles du Rwanda. Quand on fait de la politique au Rwanda, on doit prendre en compte qu’il y existe des lois qui régissent les partis politique, en plus il faut savoir que notre politique au Rwanda n’a pas encore atteint la maturité du même poids que celle des pays comme la Belgique, la Suède ou la France. Le chemin est encore long, quand on travaille sans tenir compte des lois en vigueur dans le pays, on ne peut pas avancer. Les politiciens de l’extérieur disent ce qu’ils veulent et causent du tort à nous qui sommes au pays au lieu de nous aider ou de venir pour qu’on unisse nos efforts dans la reconstruction du pays. Ils souhaitent qu’on fasse des erreurs et qu’on se retrouve en prison, pour qu’ils puissent dire que nous sommes enfin une véritable opposition parce qu’on a été emprisonné ou assassiné. On a vécu tout cela.. Si les gens pensent construire un beau pays, ils doivent accepter de venir ici, pour vivre à leur tour la pression de faire de la politique dans le pays. S’ils ne le peuvent pas, ils doivent au moins nous soutenir, nous qui avons fait le choix de travailler dans le pays.

JN : Quel message adressez-vous alors à ces politiciens et partis qui sont à l’extérieur du pays ?

FH : Tant qu’ils mèneront leur combat de l’extérieur du pays, ils n’aboutiront jamais à un changement. Il faut comprendre que même s’il y avait un ou deux partis au pays, ceux-là sont plus portés à obtenir des résultats, mais s’entêter à mener la lutte de l’extérieur du pays, ça ne rime à rien. Regardez le vétéran Twagiramungu qui poursuit son combat à l’extérieur du pays depuis des années, ça n’aboutit à rien. Il est venu au Rwanda au scrutin de 2003, il a essayé mais ça n’a débouché à rien. Victoire Ingabire est venue, ça n’a pas donné grand-chose non plus. Par contre, notre formation politique a débuté au Rwanda, ça porte quelques fruits parce que nous nous rendons comptes du chemin parcouru. Les politiciens de l’extérieur au lieu de nous soutenir, cherchent à nous détruire. Ils doivent venir au pays, parce que livrer un combat politique en dehors du pays ne mène à rien de concret. Ils continueront à parler, à faire des analyses mais comme on dit, le train poursuivra sa marche.

 

Propos recueillis par Jean Mitari

Jambonews.net    

SOURCE: http://www.jambonews.net/actualites/20151118-frank-habineza-le-rwanda-a-besoin-dune-alternance-politique-dans-la-paix/

Le drapeau du Parti DGPR